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Interview avec Cécile Reboul de l'Association Skin

Publié le 08/10/2021

Bonjour, vous avez créé l’association Skin en 2012, elle soutient les patients guéris du cancer grâce à des activités artistiques. 

 Je tiens d’abord à préciser que les activités artistiques ne résument pas à elles seules la médiation Skin.
Avant de parler art et création, il s’agit d’abord d’une rencontre humaine, au sens premier du terme. Une rencontre entre deux personnes : le ou la patient.e et l’artiste. Cette rencontre doit être positive, riche et stimulante, pour inciter à donner le meilleur de soi-même. Ernt Jung écrivait « La rencontre de deux personnalités est comme le contact entre deux substances chimiques. S’il se produit une réaction, les deux en sont transformés ».
C’est le point de départ de Skin, cette rencontre humaine. 
A partir de là les activités artistiques prennent tout leur sens.
 
 

Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a poussé à développer ce projet ? 

Touchée par un cancer en 2007, j’ai vécu les affres de « l’après », ce fameux choc post-traumatique du cancer, auquel on n’est jamais vraiment préparé. Pendant la période des traitements médicaux, on est littéralement « l’objet » de tous les soins. De la famille, des amis, ou ne serait-ce que du corps médical. On se lance dans la bataille pour la vie et cette bataille est menée par les soignants. Soi-même on se contente de faire ce qu’on nous demande de faire pour rester en vie. On est un peu désincarné, « à côté de son corps », dans le « subir ». On n’est plus vraiment maître de son destin.
Ensuite c’est une autre histoire. Mon oncologue m’avait prévenue « attention au phénomène de la blouse blanche ». Je l’ai mémorisé mais je ne l’ai pas entendu. C’était impossible : comment imaginer ce qui suivrait ? 
J’ai perdu beaucoup de temps à demander de l’aide car je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait, pourquoi je me sentais en pleine détresse alors que j’étais déclarée guérie. Je culpabilisais, je n’osais pas me plaindre et je souffrais terriblement. Je me suis isolée, recroquevillée. A l’époque, j’avais commencé à rédiger des billets d’humeur pour libérer mes émotions. Mais cela ne suffisait pas. J’avais décidé d’écrire un ouvrage à disposer dans les salles d’attente pour rassurer les femmes sur une féminité possible après un cancer du sein. Je suis allée chercher une photographe. Je lui ai proposé de me prendre en photo mois après mois pour accompagner mes textes. Nous avons entamé un vrai travail de co-création. L’artiste, avec ses photos et ses vidéos. Moi, avec mes mots, mon stylo et ma feuille blanche. Nous avons pris le temps de cheminer ensemble librement, au gré de nos rencontres, de nos envies, de notre créativité. Une relation d’amitié est née, a grandi. Dix-huit mois ont passé. L’artiste a extrait un choix de photographies et de vidéos. Le résultat m’a bluffée ! Les images se passaient de mes textes. J’avais sous les yeux la preuve que la vie avait repris ses droits, que ma féminité s’était réinventée, que je m’étais réparée. Cet accompagnement artistique dans le temps, dans la bienveillance, dans le partage, dans le plaisir ont été une profonde et durable thérapie.
J’ai trouvé ce projet tellement génial que j’ai abandonné l’idée de l’ouvrage et ai créé immédiatement l’association Skin – Skin, la peau, la mue, la cicatrisation, la régénération. L’idée était de proposer la même chose à d’autres que moi. Une femme ou un homme sort de son parcours de soins. Il est en rémission du cancer. Je le rencontre et je discute avec lui. En fonction de ce qu’il exprime de ses désirs, de ses envies artistiques, de ses peurs, de ses joies, mais aussi de ce que je ressens et qui n’est pas dit, je recherche pour lui un artiste. Tout domaine artistique est envisageable, des arts plastiques aux arts vivants, en passant par les arts culinaires, la création d’un parfum ou que sais-je encore.
Alors je lui présente cet artiste. Si la rencontre humaine est de qualité, si les deux ont « matché » comme on dit, je les invite à se lancer dans un projet de co-création pendant quelques mois.
 
 

Pourquoi avez-vous choisi de soutenir les personnes guéries du cancer ?  

Etant passée par là, je savais combien c’est essentiel d’être soutenu après le parcours de soins, au moment où tout le monde cesse de vous accompagner, convaincu que le pire est passé et que tout est « comme avant ». Si le corps est guéri, l’esprit et le cœur ne le sont pas. Et si on s’en réfère à Hippocrate, la santé s’envisage comme un tout, un état global de bien-être : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux ».
Plus largement, on sait aujourd’hui que 2 personnes sur 3 touchées par le cancer estiment que l’après est plus difficile à vivre que la maladie. Les séquelles peuvent durer jusqu’à 20 ans après le diagnostic du cancer. Chaque jour, je croise des femmes qui, après leur cancer, ne trouvent plus de sens à leur vie, qui remettent tout en question : boulot, conjoint, relations sociales, choix de vie… Tout est à réinventer. 
Skin répond à un enjeu de santé publique. On parle beaucoup de retour au travail après le cancer. Mais comment retourner aux autres, au travail, à la société tout entière, si on n’est pas retourné à soi ? Tout cela a un coût pour la société. Je me souviens d’une psychothérapeute de l’Institut Curie qui avait mené une étude avec un oncologue sur un panel de 900 patientes traitées pour un cancer du sein. Il en résultait que la majorité d’entre elles perdaient entre 9 à 12 mois après la fin des traitements avant d’oser demander de l’aide. C’est énorme. C’est pourquoi, il est indispensable de commencer par se réparer intimement. Skin s’inscrit dans cette niche qui se situe entre la fin des traitements et le retour au travail. Erika, coordinatrice d’exposition bénévole chez Skin, a un jour résumé notre projet associatif de la manière suivante : « Skin, du parcours de soins au parcours de soi ». Je trouve la formule très juste et très belle.
 
 

Quelles sont les accompagnements que vous proposez à vos adhérents ? 

Outre l’accompagnement artistique individuel (patient-artiste), qui dure environ douze mois et qui constitue notre ADN, nous proposons des ateliers collectifs toute l’année à nos adhérents - artistiques, bien-être, sportifs. Nous proposons également des sorties culturelles au théâtre ou au musée. Au-delà de l’aspect culturel, nous offrons parfois la possibilité de devenir copilote d’un rallye d’orientation ludique avec des collectionneurs de voitures anciennes, de sauter en parachute avec des champions du monde... En réalité, nos propositions s’enrichissent au fil des rencontres et des opportunités.
 

Quels sont les principaux bénéfices de cet accompagnement ?

La médiation Skin est un processus de transformation de soi, qui permet aux femmes et aux hommes de se déculpabiliser, de libérer ses émotions, recréer du lien, communiquer, partager, prendre du plaisir, se reconnecter à soi-même, reprendre confiance en soi, restaurer une bonne image de soi, mieux se connaître, se resocialiser, se dépasser, rebondir, se réinventer, être enfin serein.
D’année en année, nous constatons les bienfaits que cela procure aux anciens patients. Skin aide à cicatriser psychiquement et émotionnellement. J’appelle cela une guérison durable par le beau.
 

Les valeurs de l’association sont entre autres la résilience et la bienveillance. Que signifient-elles pour l’association ?  

La bienveillance commence par l’absence de jugement que porte l’artiste sur la patiente en souffrance psychique. La bienveillance c’est aussi l’acceptation de l’autre tel qu’il est, plus ou moins fragile, plus ou moins serein, plus ou moins créatif, plus ou moins sociable et disert, lorsqu’il entre dans la famille Skin. 
La bienveillance, c’est un regard d’amour.
 
La résilience, c’est pour Skin la possibilité de rebondir différemment après l’épreuve, fort de sa fragilité, de ses cicatrices et de ses larmes. C’est reconnaître sa vulnérabilité pour retrouver l’élan vital et s’accepter telle qu’aujourd’hui. Grandi, plus humble, plus humain sans doute.
 

Comment voyez-vous évoluer l’association dans les années à venir ?  

Je la vois bien faire des petits un peu partout en France ;-) 
Skin, c’est quasiment une marque ! C’est un art de vivre après le tsunami du cancer.
 

Quel message aimeriez-vous transmettre aux personnes qui viennent de sortir du parcours de soin à la suite de leur rémission ?  

Tout change, la souffrance aussi a une fin. N’ayez pas peur, tout ira bien. Vous n’êtes plus seul.

Retrouvez l'AssociationSkin ici.


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